Cet article est une traduction autorisée par l’auteur d’une publication en deux parties de l’un de nos formateurs, le Dr Rich Willy (PT, PhD), sur le syndrome de la bandelette iliotibiale (SBIT). Traduit en français par le Jérôme Riera et relue par le Dr jéremy Volante.
Voici la seconde partie de cette série sur le syndrome de la bandelette iliotibale (SBIT) rédigée par Rich Willy, PT, PhD. Cette pathologie est fréquente chez les coureurs mais il y a peu de recommandations sur son traitement dans la littérature. Dans la première partie nous avons discuté de l’étiologie du SBIT, nous allons maintenant évoquer son traitement.
Les points clés : A/Le coureur ne sera pas capable de reprendre la course à pieds sans une surcharge progressive afin de restaurer l’enveloppe de fonction ; B/Éviter les contraintes au coureur blessé augmentera autant le risque de récidive qu’un excès de charge.
Stratégie globale de rééducation du coureur avec SBIT.
Un programme de rééducation du SBIT bien construit aura pour objectif de mettre en charge progressivement le coureur blessé et la bandelette iliotibiale (BIT) afin de restaurer la tolérance aux charges spécifiques à la course à pieds, aussi connue sous le nom d’enveloppe de fonction (fig.1) (6,11). Utiliser la mise en contrainte progressive permet d’appliquer des charges de manière adéquate en vue de stimuler le processus d’adaptation en évitant d’irriter encore plus la BIT.

Toutefois, éviter la contrainte peut aussi entrainer une récidive par la mauvaise préparation à la charge biomécanique rencontrée lors du processus de reprise de course (12). Comme évoqué dans la première partie les cliniciens et coureurs ne doivent pas tomber dans ce piège de l’évitement pour réduire la douleur du SBIT.
Attendez ! A quel moment le foam-rolling joue un rôle dans l’homéostasie tissulaire ?
Le foam rolling est souvent prescrit dans le SBIT. Toutefois, il ne produit pas de changement dans la flexibilité plus de quelques minutes et le soulagement ressenti n’est que temporaire, probablement dû au phénomène de modulation centrale de la douleur (1,22). Contrairement à certaines croyances populaires les « adhérences » et les « fascias » ne sont pas « relâchés » ou « brisés » par le foam-rolling. En prenant en compte lefait que le SBIT est une pathologie de compression il n’y a aucune raison d’ajouter une compression supplémentaire sur la face latérale du genou (8).
Plutôt que le foam-rolling, cibler les contraintes spécifiques à la course à pieds.
Lors d’un jogging classique les structures anatomiques subissent d’importants pics de charges ; b/avec de grandes quantités d’énergie stockée et libérée ; c/et de manière hautement cumulative (fig.2) (26). Ces trois composantes doivent être traitées lors de la rééducation : les pics de charges élevés correspondent au renforcement à charge lourdes et contractions lentes, le stockage et restitution d’énergie aux exercices plyométriques et le cumul de charge à la mise en place du programme de retour à la course à pieds (fig.3) (26).

Figure 2. Les trois principaux types de charges subit par le coureur. Adapté de Willy & Meira 2016
Les programmes de rééducation doivent prendre en compte que la BIT est mise en charge lors de la course quand l’adduction de hanche est augmentée et les foulées étroites (14,18). Le moment de varus du genou (force de courbure centrifuge) augmente avec les foulées étroites et augmente aussi les charges sur la BIT (9,17). Finalement, la BIT fonctionne comme un élément de stockage/restitution d’énergie en particulier lors de la phase d’appui terminale lorsque l’extension excentrique de la hanche est couplée à la flexion du genou. Nous allons jouer sur ces fonctions de la BIT pour initialement réduire l’irritabilité et dans les phases plus avancées de la rééducation restaurer ses capacités.

Phases de la rééducation du SBIT.
La rééducation du SBIT est divisé en deux étapes principales ; a/ phase où la douleur domine et b/ phase ou la charge domine (fig.3). Ces phases sont dérivées des travaux de Cook et Purdam (2009) et Fredericson & Weir (2005) (4,10). Au final, ces phases ont pour objectifs de maximiser la charge tout en maintenant l’irritabilité de la partie latérale du genou sous contrôle à 0-2/10 sur l’EVA aussi bien durant la séance qu’au réveil le lendemain matin.

Étape 1 :
La gestion de la charge est essentielle lors de cette étape pour réduire l’irritation. La descente de marches et même la marche rapide peuvent être douloureuses lors de la phase dominée par la douleur entrainant l’arrêt de la course à pieds. La difficulté est de réduire les charges abusives et l’irritabilité tout en maintenant un niveau de charge tolérable. La mise en contrainte améliore la qualité tissulaire tout en jouant un rôle important sur la douleur (16,21). De ce fait, le niveau d’activité doit rester aussi élevé que possible, et il ne faut pas avoir peur de charger la BIT, mais en évitant d’exacerber la douleur. Il faut donc probablement cesser la course à pieds un temps en la remplaçant par des activités non-irritantes et ardues.
Lors de l’étape 1, il est possible de maintenir le niveau d’activité en marchant sur un tapis roulant incliné à 8-10%. Marcher en montée sur un tapis roulant a/ réduit le moment de varus du genou tout en augmentant la flexion du genou à l’attaque du pied évitant ainsi la zone angulaire d’impingement du genou (~30° de flexion du genou) ; et b/ réduit le phénomène de stockage/restitution d’énergie au niveau de la BIT (7). Le tapis roulant et très bien car il évite la marche en descente qui est associée à de fortes contraintes varisantes du genou et une forte demande en stockage/restitution d’énergie de la BIT.
Si la marche en montée sur tapis n’est pas tolérée au début, le vélo d’appartement est une bonne option. Toutefois la selle doit être légèrement avancée et abaissée afin que le genou se fléchisse aux alentours de 35° au point le plus bas du cycle de pédalage pour éviter la zone d’impingement. Si le vélo n’est pas toléré, alors la natation est une bonne option. Toutefois le coureur doit toujours travailler pour tendre vers la marche en montée sur tapis roulant même si ce n’est pas toléré au départ.

Les exercices de mise en charge progressive en chaine ouverte de la BIT et la hanche sont initiés lors de l’étape 1. La BIT est mise en charge lors de cette première étape via l’exercice de Thomas (fig.5A). Cet exercice est ensuite progressé vers le single leg bridge (fig.5B). En même temps que ces deux exercices la musculature postéro latérale de la hanche est mise en charge progressivement (fig.5C-E) (20). De multiple séries de contractions isométriques de 10 s ou moins doivent être prescrits avec assez de temps de tenue et d’effort pour s’approcher de l’échec musculaire lors des deux dernières répétitions.
Phase ou la charge domine : Étape 2-5
Le coureur passe à cette phase lorsqu’il/elle est capable de descendre des marches sans douleur.
ÉTAPE 2 :
La progression du split squat (fig.6) est l’élément clé de cette étape. Cette progression d’exercice permet un travail excentrique et concentrique de la musculature concernée et la BIT par l’application de charges lourdes et des répétitions effectuées lentement (6 s/rep). Le split squat combine un exercice d’excursion de la BIT et un renforcement des muscles impliqués à l’étape 1 en un seul exercice. Il faut noter que le renforcement seul ne permettra pas de résoudre les problèmes de biomécaniques de course qui contribuent au SBIT (25). Il faut plutôt voir ces exercices de renforcement comme des exercices permettant d’améliorer la tolérance à la charge des structures concernées. En d’autres mots, on est plus sur de la charge que sur du « « fonctionnel ».

Une progression typique peut être 3 séries de 10-12 répétitions de split squat sans charge, ensuite passer à 4 séries de 6-8 répétitions avec ajout de poids en s’approchant de l’échec musculaire lors des dernières répétitions. Lors de cette étape 2 le split squat est réalisé 3x/sem. La progression du split squat est faite tout au long des étapes 2 à 5, en ajoutant des résistances de manière appropriée.
Étape 3 :
Les exercices plyométriques sont ajoutés à cette étape, et poursuivis à l’étape 4, pour s’occuper de la composante stockage restitution d’énergie de la BIT mais sans démarrer la phase d’accumulation de charge en course à pied. Cette étape est en générale courte, 1 semaine, et est utilisée comme un pont entre les étapes 2 et 4 où la course à pieds est réintroduite. Les sauts latéraux résistés (fig.7) sont d’excellents exercices plyométriques du fait des charges appliquées à la musculature postéro-latérale de la hanche.

Étape 4 :
Un programme de retour à la course accéléré et souvent utilisé après avoir complété les étapes 1-3 afin de réintroduire la charge de course de manière progressive. Il est important que le coureur perçoive ce programme simplement comme une autre forme d’exercice de mise en charge. Si le coureur voit la course à pieds comme un moyen d’améliorer ses performances il aura tendance à sortir du programme et faire trop de course à pieds trop tôt. Utilisez un entrainement croisé qui soit un challenge pour lui comme par exemple du vélo d’appartement en interval training afin de maintenir sa condition physique lors du processus de retour à la course à pieds. A de nombreux coureurs souffrant de SBIT il est préconisé de réaliser les 2 premières semaines du programme de reprise sur tapis roulant avec une élévation modérée (5%) avant de reprendre en plein air. La course en descente et le trail (entrainant une fouée étroite) doivent être absolument évitées à cette étape. L’éducation du patient est primordiale car le coureur est anxieux de retourner à sa charge d’entrainement habituelle et de reproduire les erreurs ayant entrainé son SBIT. Les exercices de plyométrie de l’étape 3 sont arrêtés à la deuxième ou troisième semaine. Les modifications techniques de la course peuvent être un excellent adjuvant pour réduire les charges lors de la course et permettre une pratique plus longue avant l’arrivée des symptômes. La consigne la plus simple, et probablement la plus efficace, que l’on puisse donner est d’augmenter la cadence de pas par minute de 5-10% ce qui a/ réduit le pic d’adduction de hanche (14,24) ; b/ augmente la largeur de la foulée (2) ; c/ conduit à avoir un genou plus fléchi à l’attaque du pied diminuant ainsi le temps dans la zone d’impingement de la BIT (23). Plus important encore, adopter une cadence plus élevée réduit les contraintes et la vitesse à laquelle s’appliquent les contraintes sur la BIT (2).

Donner simplement des consignes au coureur sur sa cadence n’est pas suffisant ; toute intervention visant la modification de la foulée doit s’appuyer sur un feedback visuel afin que le coureur puisse détecter ses erreurs et s’entraine suffisamment pour que cela soit efficace (5). La plupart des coureurs utilisent des montres GPS pouvant aussi indiquer leur cadence de course.
D’autres modifications de la technique de course peuvent être indiquées, comme par exemple donner des consignes directes sur l’adduction de hanche ou l’augmentation de la largeur des foulées (18,19,27).
Point clé : Les modifications techniques de la course doivent être spécifiques au coureur que vous traitez.
Étape 5 :
Lors de cette étape, le coureur doit continuer à augmenter son volume d’entrainement de manière raisonnable. La course en descente et le trail sont ajoutés progressivement, si nécessaire pour le coureur. Toutefois, le coureur devrait ajouter le trail et la course en descente lors de jours différents, au départ, avant de les incorporer ensemble sur une sortie. Le coureur tirera bénéfice à poursuivre son renforcement musculaire avec les split squats, mais devra en restreindre le volume à une fois par semaine au fur et à mesure de l’augmentation du volume de course à pieds.
Conclusion
Du fait des contraintes importantes appliquées lors de la course à pied sur la BIT une rééducation active semble recommandée. Alors que réduire les contraintes lors de la phase douloureuse initiale est adapté, il est important que le coureur et le clinicien travaillent à restaurer les capacités complètes de la BIT et du coureur grâce à une mise en contrainte progressive.
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